Le numérique extrascolaire, état des lieux des pratiques.

La question des apprentissages dans le cadre des activités extrascolaires est posée régulièrement par les différents corps de recherches que ce soit pédagogie, psychologie ou encore didactique. Son intérêt oscille entre deux visions de l’enseignement. D’abord celle liée à la forme scolaire où l’introduction des pratiques de la culture de masse pourrait être un obstacle aux apprentissages. La seconde, que nous allons développer ici, est celle de l’intérêt portée aux pratiques, en rejoignant les propos de Reuter pour lequel « la majeure partie des théories se rejoignent pour considérer qu’on apprend avec ce que l’on est, en intégrant donc ce qui est nouveau à ses structures de pensée, forgées au travers de son histoire. » (Reuter, 2013, p.163).

Avec l’apparition des nouvelles technologies et le développement de leurs usages sociaux, nous allons orienter notre réflexion cette semaine sur les pratiques numériques des jeunes en milieu extrascolaires.

Une récente étude (Duguet, Giret et Morlaix, 2019) stipule que 90% des élèves possèdent la télévision, l’ordinateur et le téléphone, et environ 86% tablettes et consoles vidéos. C’est donc sans surprise que ces derniers construisent leur rapport au numérique en dehors des classes.

En ce qui concerne l’utilisation de l’ordinateur, ils seraient 60% à devoir demander l’autorisation avant de l’utiliser, même si l’adulte est assez rarement présent à côté d’eux lorsqu’ils le font. Contrairement à ce que nous pourrions penser le fait de se rendre sur les réseaux sociaux ne figure pas parmi les raisons les plus évoquées, dans le top trois il s’agit de visionner des vidéos, écouter de la musique et jouer à des jeux. De plus, avec le développement de l’enseignement à distance, hybride ou encore la pédagogie de la classe inversée certains élèves déclarent se connecter uniquement pour le travail sur des devoirs et la lecture. Cette virtuosité est nuancée par une troisième catégorie de jeune qui disent notamment utiliser Twitter, Instagram, Snapchat, ou Facebook et se centrer sur les outils de communication en réseau. Ainsi ils déclarent une fréquence d’utilisation élevée de l’ordinateur durant les vacances, mais qui peut aussi concerner le matin avant d’aller à l’école et la pause méridienne.

Ainsi nous pouvons légitimement soulever la question de l’implication des technologies du numérique dans le développement cognitif et dans les apprentissages. Concernant plus particulièrement les jeux vidéo, les recherches pointent sur deux hypothèses opposées (Lieury, Lorant et Champault, 2014). Dans une perspective cognitive, la pratique régulière des jeux vidéo pourrait permettre une amélioration de l’attention et de la concentration, de la perception visuelle, de la mémoire visuelle, des processus simultanés, des capacités métacognitives (planification, mise en place de stratégies) et de la vitesse de traitement de l’information (Greenfield, 1998). Ceci dit cette conclusion est à nuancer, car le jeu dans ce cas précis doit cibler une action particulière, alors que la plupart sont trop généraux. Par ailleurs, Gentile (2011) souligne que les jeux disposent de plusieurs dimensions. Le temps est l’une d’entre elles et s’il est très élevé, il risque ‘interférer avec le travail scolaire à la maison, jusqu’à être pathologique chez certains.

Par ailleurs, d’autres études montrent que les effets négatifs ne semblent pas dus à la nature des loisirs en soi, mais davantage au temps de sommeil qu’ils enlèvent aux élèves. De ce fait, les élèves sont fatigués en classe et déclarent plus de problèmes de santé.

Enfin se pose la question de la transférabilité du savoir-faire en contexte scolaire. Est-ce qu’un enfant ou un jeune qui manipule l’ordinateur ou une tablette chez lui alimente un savoir-faire technique ? Oui cependant ce dernier relève du registre d’habitudes et de la pratique personnelle (Fluckiger, 2019). Les usages diffèrent avec celui de la classe et les compétences sont souvent limitées par manque de compréhension, conceptualisation et de verbalisation. Fluckiger (2019) donne l’exemple de collégiens qui savent parfaitement maîtriser les réseaux sociaux, mais qui « s’étonnent de voir les cellules dans le logiciel Excel « se remplir toutes seules » » (Fluckiger, 2019, p.138). La réflexion peut être prolongée sur d’autres outils comme la tablette tactile où l’accès aux sources vidéos est sans limite. Comment être certain de la véracité des informations ? Quand s’agit-il d’un « fake » ? etc…

Pour conclure et nuancer nos propos, pratiquer des loisirs n’est pas nécessairement du temps en moins pour le travail scolaire, mais peut être une occasion d’enrichissement. Prenons l’exemple de la lecture et la multitude de livres ou d’articles scientifique disponibles en ligne. Ou encore des vidéos partagées par des enseignants ou des professionnels spécialisés dans un domaine de recherche…

Bibliographie

Duguet, A., Giret, J.-F., & Morlaix, S. (2019). Utilisation du numérique à l’école élémentaire: profils d’utilisation et analyse des compétences. Carrefour de l’éducation, 1(47), 175-194.

Fluckiger, C. (2008). L’école à l’épreuve de la culture numérique des élèves. Revue française de pédagogie(163), 51-61.

Fluckiger, C. (2019). Une approche didactique de l’informatique scolaire. Rennes: Presse Universitaire de Rennes.

Lieury, A., Lorant, S., & Champault, F. (2014). Loisirs numériques et performances cognitives et scolaires: une étude chez 27000 élèves de la 3e des collèges. Bulletin de psychologie, 2(530), 99-125.

Reuter, Y., Cohen Azria, C., Daunay, B., Delcambre, I., & Reuter Lahanier, D. (2013). Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques. Bruxelles: de Boeck Supérieur.