Le spectre de la collaboration dans l’approche par les compétences dans l’enseignement supérieur

Dans ce monde en perpétuelle évolution de nombreux établissements réforment en profondeur les cursus de formation, afin répondre de façon la plus adaptée possible aux nouvelles exigences du monde professionnel. Les établissements de l’enseignement supérieur souhaitent mieux comprendre les facteurs influençant l’engagement des étudiants dans leur parcours, c’est pourquoi elles initient de nombreux projets d’études dans le domaine des Sciences de l’Education qui ont pour objectif de répondre à une quête de sens de la part des étudiants dans les dispositifs d’apprentissage. En effet, l’étudiant aspire de plus en plus à être acteur de sa formation. C’est pour être en symbiose avec les aspirations des étudiants que les établissements de l’enseignement supérieur sont en train de bouleverser les pratiques pédagogiques, avec l’introduction d’une approche par les compétences.

Il existe une multitude de définitions de l’approche par les compétences en général et celui de compétences en particulier. Un certain consensus semble se dessiner  autour des travaux  de Guillemette (2021), se basant sur l’analyse de 1500 articles sur l’approche par les compétences, propose la compétence comme «  une action réflexive de mobilisation de ressources internes structurées et de ressources externes disponibles ; cette mobilisation inclut une sélection et une combinaison de ces ressources et est adaptée à une famille de situations » (Guillemette, 2021, p. 148). Ainsi elle relève tout d’abord de l’ordre de l’action impliquant nécessairement une réflexion dans un contexte, un environnement. Cette approche structurée autour des tâches-problèmes met en avant la complexité dans des situations de pédagogie par projet accompagnant nécessairement le développement des compétences collaboratives et réflexives des étudiants. La réussite de projet collectif questionne ainsi le paradigme des concepts de collaboration et coopération.

Bien que le débat épistémologique autour de ces notions persiste encore, nous avons fait le choix de définir la collaboration comme un « travail accompli par des processus de partage et de négociation, où la collaboration est produite socialement à travers des interactions et des efforts de maintenir une vision partagée du problème. » (Tucker, 2020). A partir d’un certain nombre de travaux scientifiques Tucker et al. (2018) propose cinq modes d’interaction qui permettent de décrire le « travail globalement collaboratif » (Tucker et al., 2018) de manière plus fine en identifiant le travail individuel, la communication, la coordination, la coopération et la collaboration. Une étude récente auprès d’élèves ingénieurs a démontré que ses groupes dans lesquels les élèves coconstruisent et co-élaborent des réponses en réadaptant la stratégie initialement prévue, via des phases de communication et coopération permettent l’élaboration de nouvelles solutions viables, alors que la non réévaluation de la situation prive la réadaptation et la co-construction entraînant l’échec de la mission (Ebode & Chartres, 2023). Dans le premier cas, les individus se confondent et ne forment qu’une seule unité. Les décisions proposées ne relèvent pas d’une somme d’informations individuelles, mais d’une résolution commune de problèmes où la finalité émergente ne laisse plus apparaître les individualités et débouchent sur une réévaluation de la situation et en parallèle une tentative d’élaboration et d’application de réponses. Dans le second cas, les étudiants n’arrivent pas à se mettre en phase avec les évolutions, puisqu’ils interagissent de façon coopérative uniquement, à savoir ils additionnent les propositions de modifications.

Le défi des établissements de l’enseignement supérieur repose désormais sur la capacité à proposer des dispositifs de formation mettant l’accent sur une pédagogie et une évaluation par compétence à travers des accompagnements immersifs et dynamiques des apprentissages. Ce travail nécessite un cheminement autant avec les chefs d’établissements, qu’avec les enseignants afin de faire évoluer les pratiques.

Bibliographie:

Guillemette, F (2021) L’approche par compétences dans la programmation pédagogique, la revue Enjeux et société. Volume 8, numéro 2, automne 2021, p. 140–169

Ebode, S., & Chartres, I., (2023) Classe dehors et situation extrême : l’exemple d’une approche par les compétences dans l’enseignement supérieur. Rencontre internationale de la classe dehors. Poitiers

Tucker, A., (2020) Learning to collaborate : the influence of physical digital workspaces on the development of collaborative competencies / Andrea Tucker ; sous la direction de Cédric Fluckiger et de Thierry Gidel 

Tucker, A., Gidel, T., & Villemonteix, F. (2018). Apprendre à collaborer : L’utilisation des tables tactiles pour les projets pédagogiques. 10.