Vous avez dit enseignement à distance?

L’année 2020 fut l’une des plus mouvementé de ces dernières décennies d’un point de vue économique, sanitaire, social et éducatif. En effet, la propagation de la COVID-19 a bouleversé le quotidien d’un pays en l’obligeant l’instauration de nombreuses règles dont celle de la distanciation physique. Ainsi entre le mois de mars et juin les familles se sont reclus, les établissements scolaires ont fermé leurs portes et le travail à distance s’est progressivement mis en place. Le bilan de cette période ne peut se faire en plein mois de novembre où un grand nombre de lycéens et étudiants poursuivent leur étude dans des modèles hybrides qui ont pris le relais depuis le premier déconfinement. Alors en attendant de tirer des conclusions non réalistes sur l’efficacité de ces processus par les médias attardons nous quelques instants sur ce qu’est la formation à distance, son mode de fonctionnement ainsi que les liens avec les apprentissages. Nous pourrons peut-être en sortir quelques éléments pour pratiquer l’accompagnement dans cet environnement…

Un retour en arrière….

Il faut attendre les années 70 pour voir les premiers enseignements assistés par ordinateur (EAO). Les progrès techniques ont permis la conception rapide d’autres formes comme les environnement interactifs d’apprentissages ou les plates-formes d’enseignement à distance. Toutes ces familles de logiciels voient le jour en s’inscrivant dans les projets de déploiement des supports informatiques dans le cadre d’apprentissages. Ainsi dans le contexte scolaire les premières politiques publiques visant l’enseignement primaire datent du début des années 1980. Le plus important fut le « plan informatique pour tous » de 1985, où « L’informatique est alors envisagée comme objet d’étude en tant que composante de la culture générale et comme outil au service des disciplines scolaires, ayant vocation à être intégré dans les pratiques pédagogiques » (Bernard et Ailincai, 2012). Les achats massifs de matériel, ainsi que les formations des enseignants ont permis l’installation des nouvelles technologies dans le premier degré. Ses objectifs étaient d’initier les élèves de chaque niveau à l’outil informatique, former les enseignants[1] et donner accès à tous les citoyens dans un cadre contractuel négocié avec les collectivités locales ou les associations[2].

Toutefois, depuis l’arrivée d’Internet, l’intérêt pour la programmation et le traitement de texte a laissé place dans les années 2000 aux outils et services de communication. Il ne s’agirait donc plus uniquement de l’informatique vu au travers d’un objet qu’est l’ordinateur, mais l’intégration de méthodes et techniques permettant l’appréhension et le traitement de l’information par le biais d’objets de multiples formes (tablettes, téléphones, etc…). Les informations se diversifient en terme de supports : vidéos, sons, images, textes. Ainsi la forme dématérialisée des données donne sens au terme numérique. Pour autant les compétences techniques des élèves dans ce domaine restent limitées (Dauphin, 2012) et se développent dans une sphère personnelle, ce qui participe à la construction de la culture numérique en dehors de l’école (Fluckiger, 2008).

Didactique, pédagogie et technologie : les enjeux à distance

La connaissance est un processus interactif de co-construction entre l’enseignant et les élèves. Quels sont alors les outils qui peuvent être mis en place dans le cadre de formation à distance ? Pour tenter de répondre à cette question nous allons explorer trois champs : l’objet didactique, l’objet pédagogique et l’objet technique (Marquet, 2011).

L’objet didactique qui nous intéresse est représenté par les contenus d’enseignements que l’on souhaite transmettre par la technologie. Il s’agit des contenus disciplinaires comme ceux de l’histoire, des mathématiques, des sciences physiques etc. qui prennent naissance dans les ressources et les documents, où les premières concernent ce qui est disponible, les seconds vont être construit avec une intention didactique par le professeur. Ces ressources vont être alors sélectionnées volontairement, modifiées, recollées, … Quant aux document ils ne seront pas isolés, mais sont organisés et articulés entre eux. L’enseignant conçoit donc des supports qui sont médiatisées et mises à la disposition de l’apprenant. Borje Holmberg, théoricien allemand, souligne d’intégrer un dialogue didactique simulé dans la conception et la préparation du matériel pédagogique. En effet, dans le cadre décrit l’objet didactique est associé à des objets pédagogiques, qui sont son formalisme de représentation (Marquet, 2011). L’apprenant doit donc s’approprier à la fois la dimension pédagogique et la dimension didactique pour apprendre. Ainsi « Dans le dispositif, l’apprenant entre en relation avec les connaissances présentées sous forme de ressources pédagogiques médiatisées ; il interagit avec les connaissances qui y sont représentées. Cette interaction est facilitée grâce au traitement pédagogique qui aura été appliqué lors de la conception des ressources. » (Henri, 2010). Cependant, l’introduction de l’objet technique (ordinateur, logiciel…) ajoute un troisième niveau d’appropriation. Au-delà des spécificités liées aux fonctionnement du matériel, il s’agit de le mettre en relation avec les contenus et les modalités pédagogiques.

Quelques pistes…

Les rôles et les tâches des enseignants se diversifies. Pour y faire face nombreux sont les auteurs qui préconisent la construction de scénario pédagogique, connu également sous le nom de « learning design ». L’objectif est de scénariser les différents moments des situations d’apprentissages, en choisissant une approche pédagogique et en y précisant les interactions entre les objets. De même que pour la conception de documents et ressources, la tâche de conception sort de plus en plus d’une sphère individuelle et rentre dans la communauté de pratique.

La mise en place d’un espace d’échange, comme le forum, permet aux étudiants de ne pas se sentir isolés, de s’encourager mutuellement. En effet, l’interaction est au centre d’une pédagogie active en ligne et a pour objectif de faire fonctionner le processus d’assimilation, ainsi que de s’assurer de l’implication des uns et des autres par la présence de contribution.

Les outils de travail collaboratif sur l’intranet ou directement sur internet peuvent également être des supports. Accessible sur authentification ces espaces permettent de gérer des tâches d’organisations, mais également de la production et diffusion de documents. Adaptable par classe, groupe ou individuellement ils ont pour but de pouvoir travailler à distance simultanément sur le même objet, tout en intégrant les différentes contributions.

Même si la distance dans l’enseignement ne se réduit pas à la dimension physique, la visioconférence permet un face-à-face de façon virtuelle entre enseignants et apprenants. Elle est utilisée en éducation depuis relativement peu de temps, puisqu’elle fait son apparition dans les années 1990 dans l’enseignement supérieur et son utilisation dans le primaire et secondaire est encore plus récente. La visioconférence impose également contraintes dans l’organisation des cours, la coordination des créneaux horaires, et la qualité de la connexion internet. Elle permet néanmoins de faire appel à des experts extérieurs et cela malgré le confinement. Certaines académies disposent de leurs propres outils, d’autres sont disponibles à tous : Zoom, Skype, Microsoft Teams etc…

En guise de conclusion

Une enquête effectuée auprès d’étudiant à partir d’un questionnaire (Kim, 2009) a démontré que contrairement à nombre d’idées reçues, l’utilisation des nouvelles technologies, souvent réputées déshumanisantes, peuvent au contraire se révéler comme autant de supports positifs par rapport à l’implication des étudiants et des équipes pédagogiques, à condition de les utiliser avec discernement. En effet, se trouvant à distance, il n’existe aucun cadre matériel permettant aux étudiants de s’accrocher à la formation, si ce n’est leurs motivations diverses (Kim, 2009).

Bibliographie

Bernard, F.-X., & Ailincai, R. (2012). De l’introduction des TICE à l’École aux pratiques actuelles des jeunes. : Approche historique des technologies de l’information et de la communication. Raisons,comparaisons, éducations : la revue française d’éducation comparée, 215-226.

Bourdet, J.-F., & Leroux, P. (2009). Dispositifs de formation en ligne. De leur analyse à leur appropriation. (Lavoisier, Éd.) Distances et savoirs, 7(1), 11-29.

Dauphin, F. (2012). Culture et pratiques numériques juvéniles : Quels usages pour quelles compétences ? Questions Vives, 7(17), 37-52.

Fluckiger, C. (2008). L’école à l’épreuve de la culture numérique des élèves. Revue française de pédagogie(163), 51-61.

Follet, M., & Peyrelong, M.-F. (2009). Au vu et au su de tous. Usages d’un outil collaboratif pour produire des documents collectifs. (Lavoisier, Éd.) Distances et savoirs, 7(1), 47-64.

Henri, F. (2010). La formation à distance: enseigner et apprendre autrement. Dans B. Charlier, Apprendre avec les technologies (pp. 157-168). Paris: PUF.

Kim, S.-M. (2009). Analyse d’une expérience pédagogique en ligne. Dans S.-M. Kim, Le plaisir d’apprendre en ligne à l’université (pp. 35-52). Paris: De Boeck Supérieur.

Marquet, P. (2010). Apprendre en construisant ses propres instruments. Dans B. Charlier, Apprendre avec les technologies (pp. 121-129). Paris: PUF.

Marquet, P. (2011). e-learning et conflit instrumental. Recherche et formation(68), 31-46.

Villiot-Leclercq, E., & David, J.-P. (2010). Ecrire et partager des scénarios. Dans B. Charlier, Apprendre avec les technologies (pp. 131-141). Paris: PUF.

[1] Le plan de formation ne concernait pas moins de 110000 enseignants (Bernard et Ailincai, 2012) enseignants de toutes les disciplines, appartenant à tous les niveaux d’enseignement, de l’instituteur au professeur d’université.

[2] De nouveaux emplois se créent dans les domaines liés au développement de l’informatique dans les mêmes années : fabrication des composants et des matériels, préparation et édition des logiciels, maintenance informatique.