Collaborer, coopérer, ou comment construire les compétences sociales des élèves

Parmi les compétences attendues sur le marché du travail, la maîtrise des outils technologiques et la pratique de la collaboration sont centrales. En effet, les employeurs cherchent des profils qui s’adaptent non seulement à la révolution numérique, mais également qui peuvent travailler dans un cadre de projets collaboratifs. Ces processus disposent d’une place importante dans le développement des activités d’entreprise, puisqu’ils peuvent avoir un impact autant sur la productivité que sur le climat social.

Ce constat amène à se poser la question de l’apprentissage du travail collaboratif et de sa pratique en interrogeant les modalités pédagogiques mobilisées à cet effet. Dans le débat non-résolu autour de la collaboration et la coopération nous prenons parti pour la coopération comme « l’action de participer (avec une ou plusieurs personnes) à une œuvre ou à une action commune », ou l’« aide, [l’]entente entre les membres d’un groupe en vue d’un but commun » (définition du CNRTL, citée par Reverdy, 2016). C’est donc la façon dont les membres d’un groupe (les élèves) rassemblent leurs savoirs, savoir-faire pour atteindre un objectif commun. Dans les années 1970 a été théorisé le « cooperative learning », l’apprentissage coopératif, ou la pédagogie coopérative (cité par Baudrit, 2005), qui s’appuie essentiellement sur les théories socioconstructivistes dans leur dimension sociale et le courant pédagogique de l‘éducation nouvelle, où l’expérience des apprenants est prise en compte dans les pratiques d’enseignement. Ainsi, il s’agit de travail en petit groupe qui permet d’optimiser les apprentissages de chacun (Salvin, 2010). Le travail collaboratif « est celui du travail accompli par des processus de partage et de négociation, où la collaboration est produite socialement à travers des interactions et des efforts de maintenir une vision partagée du problème. » (Tucker, 2020).

Beaucoup de paramètres sont à intégrer dans l’étude du travail coopératif et la distinction avec le travail collaboratif amène un autre niveau de complexité. Ce dernier serait plus libre dans la forme et aurait pour objectif de mutualiser les connaissances de chaque membre du groupe en vue d’une réalisation commune, alors que le premier serait d’avantage scénarisé. Nous en reparlerons davantage dans la seconde partie de notre réflexion, dans un prochain article.

Au-delà du modèle éducationnel en place, un contrat didactique s’installe implicitement dans les salles de classe et régit les attendus et les relations entre l’enseignant et les élèves. Il existe également dans le cadre des travaux en petits groupes et peut ainsi influencer sur la qualité des interactions et des apprentissages. De plus, certaines activités sont plus adaptées à un apprentissage coopératif que d’autres. Celles qui sont complexes, qui incluent la compréhension de concepts, sont particulièrement adaptées, pourvu qu’elles soient à la portée des élèves. Pour certains chercheurs l’âge des élèves est un paramètre à prendre en compte, pour d’autre ce n’est pas le cas, en soulignant « qu’une des missions premières de l’école maternelle française est d’ailleurs de favoriser la socialisation des jeunes enfants » (Ravery, 2016).

Par ailleurs, le profil de supervision de l’enseignant instaure un climat motivationnel et ce dernier impacte l’implication et le degré d’autonomie des élèves dans une tâche. À l’inverse, un climat de compétition est plutôt lié négativement à la motivation intrinsèque.

Le travail en groupe crée une cohésion (à condition que la taille de ce dernier ne soit pas trop grande) et permet de construire un « soutien social » (Bertucci, 2010). Le développement de ces interdépendances débouche également sur des interactions positives (coopération) ou négatives (opposition/compétition). Ces interactions ont un rôle particulièrement important dans le cadre de ce que nous appelons le conflit sociocognitif, un conflit bénéfique, source de développement cognitif des individus.

La mise en place de la démarche coopérative en classe nécessite donc de certains aménagements, notamment dans les choix d’activités qui encouragent un climat affectif positif et qui font appel à des valeurs d’entraide, de respect et de partage. La taille des groupes conseillée est de l’ordre de 2 à 4 élèves, mais peut varier suivant l’âge des élèves et la complexité de la tâche demandée. Concernant l’organisation de la séance, les enseignants peuvent choisir entre mettre toute la classe en groupes ou en laisser une partie en autonomie individuelle. Ainsi, les élèves construisent progressivement les compétences sociales, grâce à l’écouter, à l’encouragement, au fait de questionner les autres membres du groupe, l’enseignant à un rôle de régulation et d’aide au développement du processus interactif. Après la séance, il peut effectuer une analyse critique de ses observations, permettant la construction d’une autre approche pour la prochaine séance si cela s’avère nécessaire.

Bibliographie

Baudrit Alain (2005). Apprentissage coopératif et entraide à l’école. Revue française de pédagogie, n° 153, p. 121-149.

Bertucci Andrea et al. (2010). The impact of size of cooperative group on achievement, social support, and self-esteem. The Journal of General Psychology, vol. 137, n° 3, p. 256-272.

Connac Sylvain (2013). Coopérer ? Quel bazar ! Les cahiers pédagogiques, n° 505, p. 12-13.

Reverdy Catherine (2016). La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques. Dossier de veille de l’IFÉ, Institut français de l’Éducation, p.1-32

Tucker Andrea (2020), Learning to Collaborate: The Influence of Physical Digital Workspaces on the Development of Collaborative Competencies, Thèse de doctorat sous la direction de Cédric Fluckiger et co-encadré par Thierry Gidel.